Tout comprendre sur la teinture du cuir

Au cœur des étapes de tannage, celle de la teinture du cuir tient une place majeure : plus qu’une étape de couleur, c’est une véritable mise en beauté du cuir, qu’il est possible de réaliser chez soi.

Comment teindre du cuir ?

Les étapes de teinture dans nos tanneries

Dans nos tanneries, la teinture du cuir est une étape essentielle du processus d’ennoblissement des peaux. Intervenant après l’étape de dérayage (quand l’épaisseur du cuir tanné est ajustée), la teinture est la première étape de finissage ; la couleur de base choisie va ensuite évoluer car d’autres étapes de finissage (celles qui donnent au cuir sa brillance et sa main) vont la modifier.

Le talent du teinturier consiste donc à anticiper la manière dont la couleur de sa teinture va évoluer en fonction du type de finissages envisagés. Pour être certain d’obtenir la couleur désirée, il est donc indispensable que l’artisan sache à quoi est destiné le cuir : s’il est destiné à être utilisé pour un sac ou pour des bottes, le cuir n’aura pas le même finissage et sa couleur n’évoluera pas de la même façon.

Avant de réaliser la teinture, l’artisan teinturier réalise un échantillon de cuir, appelé « master », qui sera sa référence absolue tout au long du processus. Pour obtenir ce master, il utilise de petits foulons (cuves effectuant des rotations régulières), pouvant contenir deux ou trois peaux de cuir exotique, dans lesquels des échantillons de cuir sont teints jusqu’à obtention du résultat désiré.

Une fois le master validé, la teinture du cuir peut avoir lieu dans de plus grandes proportions, dans de plus grands foulons. Petits ou grands foulons, le procédé est le même : les peaux sont immergées puis l’artisan teinturier ajoute des colorants et des huiles qui vont donner la couleur tout en permettant de nourrir les cuirs. La teinture du cuir agit comme un révélateur de ses qualités naturelles.

Toutes ces étapes font appel à l’expertise de l’artisan teinturier, maître en la matière, chimiste et coloriste à la fois : chimiste car il faut posséder une grande connaissance des différents pigments et colorants, en maîtriser les dosages ; coloriste car il faut un œil exercé, une véritable sensibilité artistique. L’équilibre doit être parfait : un millilitre de colorant suffit à changer la teinte d’un cuir d’un demi-ton. Comme pour tout artisanat, des années de pratique sont nécessaires. Dans nos tanneries, il est transmis par les anciens sur plusieurs années.

Une fois teints dans les foulons, les cuirs sont essorés puis séchés. Pour le cuir exotique, on utilise des salles de sèche où la température et l’hydrométrie sont régulées : un processus de séchage régulier est la garantie que la surface sèche au même rythme que le cœur de la peau.

Afin que le cuir teint résiste aux UV, à l’eau ou aux frottements, des étapes de finition par vaporisation ou par le passage de cylindres chauds fixent la couleur tout en apportant brillance et résistance. Pour sublimer la teinture et si l’on souhaite une finition dite « lissée », il existe une dernière étape facultative de satinage du cuir (ou lissage) à la pierre d’agate. Une couche de résine ou de cire peut aussi être appliquée pour obtenir un cuir plus ou moins brillant.

À chaque étape, un contrôle des teintes est effectué dans une cabine lumière. Contrairement aux éclairages artificiels qui peuvent apporter des ambiances lumineuses plus ou moins jaunes, la cabine restitue la longueur d’ondes de la lumière naturelle et évite d’avoir à sortir à l’extérieur à chaque contrôle.

Comment teindre du cuir chez soi ?

Il est tout à fait possible de changer la couleur d’un objet en cuir chez soi. Pour de la petite maroquinerie, des sacs, des chaussures ou même un élément d’aménagement intérieur, des kits prêts à l’emploi sont vendus dans des magasins spécialisés ou de bricolage, ainsi que chez les cordonniers. Les teintures à base d’eau sont préconisées pour leur usage simple et sans risque pour l’environnement ou la santé ; leur effet est plus léger et donc à répéter si l’on souhaite une couleur soutenue.

Teindre du cuir demande un espace de travail propre et bien aéré. Dans un premier temps, il faut nettoyer le cuir consciencieusement, en surface comme en profondeur. Après un dépoussiérage à l’aide d’un chiffon ou d’une brosse souple, un nettoyage profond (décapage, dégraissage) se fait au moyen de solutions nettoyantes adaptées. Sur des bottines, il ne faut pas oublier d’ôter d’éventuelles boucles ; sur des chaussures, les lacets. Sur un bracelet montre, il faut penser à nettoyer les tranches, les poinçons, etc.

Dans un second temps, il est possible d’utiliser un produit d’accroche qui ouvre les pores du cuir afin de faciliter la pénétration de la teinture au cœur des fibres.

Enfin, la teinture en elle-même : il vaut mieux procéder à un test sur un petit échantillon afin d’être certain de l’effet et de la couleur obtenus. Une fois ce « master » validé, vous pouvez vous aider d’un tampon ou d’une éponge pour déposer la teinture. Il existe diverses tailles de tampons dans le commerce : ce ne sera pas le même pour de la petite maroquinerie ou pour un élément d’aménagement intérieur.

Pour appliquer la teinture, le geste doit être régulier, circulaire et rapide : toute la surface du cuir doit être traitée, de la façon la plus uniforme et homogène possible. L’application d’un baume colorant pour cuir demande le même geste. Avant de décider d’appliquer ou non une deuxième teinte, il faut respecter le temps de sèche conseillé par le fabricant. Un fixateur est parfois compris dans le kit : à la manière d’un vernis, il permettra de protéger la teinture de votre cuir et de l’imperméabiliser.

Comment entretenir le cuir ?

Matière naturelle et durable, le cuir peut être régulièrement nourri et entretenu : il suffit d’un simple dépoussiérage ou de l’application d’un baume pour cuir pour faire traverser le temps à une paire de bottes en box calf ou à un sac à main. L’entretien de la petite maroquinerie ou de chaussures peut aussi se faire à l’aide d’un savon glycériné, de lait adapté ou même de lait de toilette pour bébé : le simple geste d’appliquer le lait permet de lustrer et de nourrir le cuir teint. Dans les cas extrêmes – sur un cuir blanc, par exemple –, une éponge mouillée et un peu de pierre d’argile permet, sans frotter, de faire disparaître les taches.

Tous les cuirs sont teints mais tous n’ont pas subi les mêmes étapes de transformation et de finissage. De ce fait, ils ne présenteront pas forcément la même résistance aux éléments extérieurs : certains seront plus fragiles face à l’eau, à la lumière, au sel marin… Leur entretien variera donc en fonction de leur finition.

Quelles couleurs pour la teinture de cuir ?

Les tendances couleurs

Le choix d’une teinture, des couleurs de façon générale, dépend des usages mais aussi bien souvent de la mode et de l’air du temps. Les éléments d’aménagement intérieur en cuir noir ont connu leur heure de gloire, de fameuses chaussures de danse en cuir blanc aussi. Pour certains, la petite maroquinerie ou un bracelet de montre doivent être en cuir marron afin de prendre une belle patine avec le temps. D’autres préfèrent les cuirs brillants, jugés élégants.

Aujourd’hui, à l’heure de l’upcycling, la teinture du cuir a toute son importance car elle peut redonner vie à des articles pensés désuets. Pendant les présentations de collections, des stylistes proposent des collections avec de vieux cuirs transformés grâce à la teinture, créent des patchworks colorés. De la même façon, on peut redonner vie à un article de petite maroquinerie ou à une paire de bottines en choisissant une teinte plus foncée que leur couleur d’origine.

Comment choisir la couleur

Les premières compositions de teintures ont été élaborées avec des éléments disponibles dans la nature ; certains de ces éléments sont toujours utilisés aujourd’hui : les teintures naturelles végétales à base de bois, d’écorces, de thé… Les noix de galle donnent le gris et de noir, la cochenille (un insecte) ou la garance (une plante) le rouge. Mais ces teintures naturelles pour le cuir sont limitées dans la gamme de couleurs qu’elles offrent. Elles peuvent aussi demander un savoir-faire très spécifique ; c’est le cas pour l’indigo, ce bleu si reconnaissable obtenu à partir des feuilles d’un arbuste et qui est une des plus vieilles teintures connues.

En comparaison, les teintures industrielles présentent une gamme de couleurs beaucoup plus large et permettent une plus grande créativité. Le cuir noir, chic et classique, se marie avec tout et reste fréquemment utilisé en chaussures : on pense aux bottes d’équitation. Le cuir marron reste une valeur traditionnelle, qui traverse le temps et se patine au gré de son utilisation. De surcroît, ces couleurs de cuir nécessitent un entretien léger. En revanche, les teintures claires sont non seulement plus difficiles à obtenir mais aussi plus fragiles à la lumière et aux éléments.